Il est des albums qu’on écoute comme on prend des nouvelles d’un ami. Celui de Ben Mazué est de ceux-là. Bien entendu, il sait que rien de ce qu’il ne nous dira n’aura de sens s’il ne commence pas par le grand changement qui a bouleversé sa vie. C’est fini.
La nouvelle nous secoue, nous prend par surprise et pourtant c’est la principale force de Ben : toujours, il nous parle de lui et ça nous parle de nous. Alors on l’écoute. On est triste, on s’écrie “Oh merde ! Ça va ?” Lui n’est plus surpris, il sourit, de ce sourire franc et enfantin, pendant tout le reste de la conversation. C’est tantôt teinté d’espoir, tantôt de mélancolie. Il nous rassure. Oui, c’est la moitié de sa vie qui disparaît. C’est fini, mais ça va aller. Il a beaucoup marché, il fallait qu’il avance, qu’il pense, qu’il comprenne. Qu’il fredonne ses émotions, que les mélodies lui viennent comme elles viennent naturellement à un enfant qui se promène. Tout ça, c’est une renaissance.
Cette résilience bat au coeur de ce qu’il nous raconte. On l’écoute, surpris de le retrouver plus grand qu’avant, il nous parle d’un paradis, d’un divin exil où il n’a pas trouvé sa place, de ses enfants et d’elle, beaucoup. Des ruines du plus beau combat, des restes d’un amour énorme. Il va bien, mais les silences sont chargés d’émotion. Ce qu’il ne nous dit pas par pudeur, les cordes et les cuivres s’en chargent. Il va bien, mais.
Oui, c’est triste, mais.
Mais il marche, il est debout, il parle d’elle, encore. Beaucoup. Il parle d’elle. C’est fini. Mais il écrit. Les malheurs, on en fait des chansons. Les leçons aussi. Il comprend. Il comprend que tout le monde a le droit d’être aimé pour ce qu’il est. Ce qu’on est, il faut trouver des gens que ça sublime. Il part en sachant qu’il a tout essayé. En sachant que c’était bon, que ça valait le coup. Il nous parle de ses enfants. Il sourit. Il nous raconte les changements qui se voient dans les détails, dans les conseils qu’il donne à son fils, dans les semaines A et B, dans la quarantaine qui se profile, dans les conseils de ses proches. Et enfin il nous répond. Il fallait toutes ces circonvolutions, tous ces mots précis, parfois chuchotés, parfois criés comme arrachés de ses tripes, ces pianos bleus, ces arrangements d’une intelligence émotionnelle rare, ces cordes et ces cuivres montés en larmes, il fallait tout ça pour entendre ce qu’il nous dit quand il nous répond “Ça va.” Il tient à nous rassurer avant qu’on le quitte. C’est le temps des jours heureux.